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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 14:07


Après un long périple sur de lointaines pistes, un court-circuit vient perturber la réouverture du café. Patience donc et d’ici peu Suzanne Alvarez ouvrira le bal des 500 de Calipso.

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23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 09:36

Le café va faire relâche pour une quinzaine. Le barman s’en va goûter l’air de lointaines terres. Pendant son absence, il est tout à fait possible de fréquenter l’établissement, de prendre des nouvelles des uns et des autres et pourquoi pas de profiter de l’arrivée de Claude Romashov pour s’en mettre plein la lampe.

Au retour, ce sera Suzanne Alvarez qui officiera pour orchestrer le 500ème du café avec des nouvelles, des poèmes, de la peinture, des photos, de la musique et… non, je ne vais pas tout vous dire… on se retrouve vers le 10 octobre…

 


                                                      

Potage à la russe

 

Elle traîne dans la cuisine ses charentaises éculées, remue les casseroles en faisant un max de boucan pour que je m’énerve. Elle y arrive fort bien. La garce !

Moi, je me relève d’une grippe carabinée soignée au Jack Daniel’s. Une horde de cafards cavale entre mes tempes et me le refile pour de bon. Je me lève en râlant, fouille dans le paquet de cigarettes écrasé sur une chaise. Pas la moindre trace d’un mégot dans le paquet, ni dans le cendrier refroidi. Un réveil sans clope voilà le bouquet final qui va améliorer mon humeur.

A propos de bouquet, ça va sentir bientôt sentir bon dans la cuisine. Mon grand museau s’allonge. Ma divine, ma belle Russe aux charentaises a décidé de le préparer enfin, le bortsch qui va me réconcilier avec la vie.

Sans faire de bruit, je ramène ma carcasse devant la grande casserole qui frémit de tout son être. La viande de porc non désossée tombe dans l’eau suivie des épices et d’une feuille de laurier odorante. Un plouf bien gras dans le bouillon plein de yeux et d’écume ; à retirer avec doigté comme elle seule sait le faire. L’oignon roule de la planchette et ne veux pas s’en laisser conter. Je propose mon aide pour le déshabiller de ses peaux craquantes et dorées. Il se venge en me mettant la larme à l’œil.

Rien, pas un klaxon dans la rue. Les flics ne sont pas encore levés ou bien ils déjeunent au bistro. Les chiens lèvent la patte contre les platanes et les petites vieilles trottinent menu vers le parvis de la cathédrale. J’essuie mes yeux chassieux et retourne courageusement à la table de travail.

Donc je disais, l’oignon récalcitrant finit lui aussi dans la casserole. Le chou pommé, vert printanier se froisse entre ses mains, les pognes devrais-je dire, de ma belle étrangère. Elle laisse tomber en pluie les morceaux qui marquent le tempo avant de prendre toute la place. Je lui avais pourtant bien répété que la casserole était trop petite. Chiche que maintenant elle va m’écouter. Je sors triomphalement la grosse marmite à fleurettes et l’installe sur le gaz troublé par l’eau. Il ronfle sa colère en sortant de belles flammes jaunes et bleues par les petits trous prévus à cet effet.

Le rugissement se calme, les patates, dociles comme des filles de petite vertu après une nuit au poste se jettent dans la marmite, trop heureuses de l’espace retrouvé. Les carottes sont bien plus bégueules et friment un peu les minettes avant de passer sous l’amincisseur économe. Coupées en rondelles et toutes fiérotes, elles fricotent avec les tranches d’oignon caramélisées dans une poêle fondante comme du beurre.

Elle me parle :

- Ça ne va pas !

- Quoi ! qu’est-ce qui ne va pas ? Je me retourne prêt à mordre.

- Les betteraves, j’ai oublié les betteraves !

Les mots de reproche meurent au coin de mes lèvres car elle s’empresse le regard inquiet.  Les charentaises voltigent. Elle enfile son manteau en poil de chameau, prend son filet à provisions et repère l’épicier du coin qui vient de lever le rideau de fer. Je râle.

- N’oublies pas de me prendre des clopes. 

Tout est tranquille après son départ. J’observe les yeux mi-clos ma bonne soupe qui mijote gentiment sur le feu, cherche la dernière flasque de whisky que j’avais précédemment cachée dans une poche dérobée de ma gabardine et tête comme un nouveau né.

 

Elle rentre en ouvrant grand la porte. Un souffle d’air glacé éteint le gaz pour de bon. Je la houspille un peu mais elle me tend le paquet rouge tant convoité. Elle est gentille tout de même malgré son caractère de cochon (Chez eux, ils vouent un véritable culte au cochon. La bestiole où tout est bon à manger.)

Des mignonnes betteraves rouges comme mon paquet préféré se marient à un concentré de tomates bien corsé dans une autre poêle plus petite.

Olga verse dans la marmite les carottes, les betteraves, le sel et le poivre en grains, rajoute des haricots en boite à mon grand déplaisir. Il nous reste au moins deux heures avant que tout soit prêt. A mijoter aussi doucement avec le fumet que tout cela dégage, je me sens un appétit d’ogre.

J’empoigne ma belle Russe, sa taille épaisse me rappelle les matriochkas qui me faisaient marrer quand j’étais môme. Pensez donc ! Une pépée de troussée et encore une, et encore une qui vient s’emboîter.

Le bortsch se répand dans la soupière. La crème fraîche attend déjà aux nouvelles.

Pour une fois, je fais une entorse à ma ligne de conduite. Je laisse tomber lâchement mon Jack Daniel’s pour une bouteille de vodka à 45°.

 

Claude Romashov Je suis née dans le gris. Mais je me suis vite rapprochée de la lumière de la Méditerranée. Lumière qui flatte mon œil de peintre, et puis, j’ai découvert l’écriture en 2003.

J’ai 2 nouvelles publiées par l’Association Culture Loisirs Antibes en 2007 et 2008.

Suis finaliste des concours de rondeau et de nouvelles policières de la MEL à Marseille en 2008.

J’ai aussi des parutions dans les revues " Pr’Ose ", " Les Hésitations d’une Mouche " et " Locomotif " On peut lire deux de mes textes sur le blog de l’Antre lire et deux autres sur celui de Magali Duru, ainsi que quatre de mes nouvelles sur le site " Bonnes nouvelles ".

Email : romashov.claude@free.fr

 

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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 14:11

C’est au tour d’Ysiad d’entrer dans la danse. Et c’est pas triste.


 

Attention les oreilles !

 

 

Ce matin, Claude Brasseur m’a écrit. Non pour me proposer une invitation gratuite pour son prochain spectacle, mais pour me signaler qu’à partir de 50 ans, attention, mes capacités auditives vont sacrément flancher, et qu’une bonne audition, c’est essentiel pour bien communiquer avec ses proches. J’ai donc droit, avant de me visser d’office le cornet acoustique dans l’oreille, à un test auditif gratuit chez Audio 2000 jusqu’au 30 novembre 2009, accompagné d’un bulletin à remplir pour un grand-jeu concours sans obligation d’achat pour rafler une croisière en Méditerranée. Trop sympa. J’ai donc pris ma plume pour lui répondre.

 

Cher Claude Brasseur,

 

Tout d’abord, je tiens à vous remercier de vous préoccuper de ma santé auditive. Sans vous, je crois bien que personne n’y aurait pensé. C’est très important, l’audition, dans notre monde de communicants, et vous avez bien raison de vous être recyclé dans la prothèse chez Audio 2000, comme Johnny dans la lunette chez Optique 2000. C’est vrai ça, déjà que c’est pas drôle d’entendre bezef, si en plus on n’y voit pas clair, je vous raconte pas la vie qu’on a en ville, avec tous ces dingues qui passent au rouge et tous ces sifflets d’agent pour vous inciter à marcher dans les clous. Si j’étais vous, j’étudierais aussi le créneau des pompes funèbres, c’est bien aussi, pour que les gens ils puissent aller direct chez Cercueil 2000 histoire de choisir le leur avant de casser leur pipe, vous devriez y penser après la prothèse auditive. Je vous dis ça, c’est à vous de voir, bien sûr, mais ça pourrait être un débouché intéressant pour la suite. Vous pourriez même faire un partenariat avec Johnny, pourquoi pas, à deux sur le dépliant, bien bronzés et souriants sur fond de dalles funéraires, je suis sûre que personne n’hésiterait plus à aller choisir sa stèle.

 

Bon alors je voudrais bien foncer de suite chez Audio 2000 comme vous me le conseillez si gentiment en souriant tel un bon gros toutou sur la première page, mais j’ai pas encore les portugaises bouchées malgré mes bientôt cinquante piges. J’entends vachement bien tous les bruits de la ville. Paf ! Mon ouïe démarre au quart de tour au premier déclenchement de sirène d’une bagnole, ouiiiin, ouiiiin, réveillée net, idem avec le pin-pon des pompiers, les pouêt-pouêt et les couin-couin des klaxons place de la Concorde à 18 heures, les A bas les licenciements ! de plus en plus fréquents des manifestants, les Racatacatac ! des marteaux-piqueurs sur la chaussée, les iiiiiiiiiiiiiiiiii du métro au moment de freiner, je capte tout, même le miaaaôôww cruel et féroce du chat-tigre affamé devant sa gamelle vide à la tombée de la nuit. Tout, j’entends tout, le sifflement de la cocotte, la radio qui crachote, la vioque du 5ème qui yoyote, les jeunes du dessus qui fricotent. Cela dit, rien que pour vous faire encore plus sourire, j’irai déposer mon bulletin chez Audio 2000 pour gagner la croisière de quatre jours pour deux en Méditerranée parce que votre offre, elle est pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Auditivement vôtre,

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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 10:03

Pour cette fin de semaine le café affiche au menu une véritable évaluation des préoccupations de la population avec la prise en compte effective de l’effort prioritaire qui doit être mené en faveur du statut précaire des exclus, réflexion qui bien sûr se prévaut d’intégrer dans sa finalisation globale un plan correspondant véritablement aux exigences légitimes de chacun et qui en un mot viendra soutenir un projet d’avenir porteur de véritables espoirs dans lequel jeunes et seniors pourront enfin retrouver toute leur dignité.

C’est en toute connaissance de cause que Danielle Akakpo a accepté ce jour d’être à vos côtés dans la recherche de cette réponse juste, humaine et fraternelle qui nous tourmente tant : quelle est aujourd’hui la véritable place du consommateur dans un corpus social en pleine déliquescence ?

 

                                                                           * * *

 

Vous avez soixante printemps, vous avez passé ce cap ? Alors vous avez sans doute reçu les mêmes coups de fil que ceux dont je vais vous entretenir ci-après. Les premiers m’ont mise en rogne. Les suivants m’ont permis d’affiner une technique propre à me mettre en joie. Jugez plutôt.

 

- Allo, monsieur ou madame Ak, Ak, Ak…

En général, je prends pitié et je termine :

- Madame Aka(k)po (eh oui, on ne prononce pas le second k, quand on le sait, c’est hyper simple)

- Françoise Truc de l’institut de sondage Machin. Nous faisons actuellement une enquête sur la consommation des ménages. Avez-vous quelques minutes à me consacrer ?

(Cet appel était le tout premier appel du genre.)

- Ma foi, s’il ne s’agit que de quelques minutes… ( C’est bien de montrer qu’on n’a pas que ça à faire mais qu’on sait faire preuve de bonne volonté. Et puis, on ne sait jamais, s’il y avait un petit cadeau à la clé ?)

- Puis-je me permettre de vous demander, madame, si vous avez moins de soixante ans ? (Question bien indiscrète ! Est-ce que je lui demande son âge, moi, à madame Truc ? )

- Hélas, non. (Pourquoi je dis hélas ? J’assume parfaitement mon âge, je suis une heureuse retraitée, bien dans sa peau et très occupée !)

- Ah… (Temps mort au bout du fil). Je suis désolée, vous n’êtes pas concernée par notre sondage. Au revoir.

Furieuse, je me tourne vers mon mari et explose :

- Tu comprends ça, toi, ça ne te fait pas bondir ? À partir de soixante ans, on est exclu des enquêtes sur la consommation des ménages. Qu’est-ce qu’ils croient ? Qu’on se nourrit uniquement d’un bol de soupe et de biscottes ? Ont-ils peur de nous entendre larmoyer qu’on va au marché sur le coup de midi chercher des fruits et légumes au rabais, ou que l’on en est réduit à fouiller les poubelles des grandes surfaces ?

Quelques jours plus tard, dring… de nouveau.

- Bonjour ! Marie Chose de l’association Pierre et béton. Nous lançons une vaste consultation sur le logement. Puis-je vous poser quelques questions ?

Je refais mon cirque :

- Ma foi, s’il ne s’agit que de quelques questions…

- Tout d’abord, quelle est votre profession ?

Ça ne me met même pas la puce à l’oreille et je claironne :

- Retraitée.

- Je regrette, notre consultation ne vous concerne pas.

Et vlan, elle me raccroche au nez.

Un peu fort de café ! Un retraité, qu’il crèche dans une villa, un F5, un studio, une cabane à lapins, Pierre et béton n’en a rien à faire.

Idem pour l’enquête sur le vêtement. Mauvais sujet, la mamie sexagénaire qui doit sûrement déambuler en robe-tablier et charentaises ! La mode, elle connaît pas, la mamie !

Au quatrième coup de fil du même type, j’ai pris les devants. Au mot enquête, j’ai coupé la parole à miss Truc Machin de la banque Tralala.

- Je suis retraitée, je ne vous intéresse pas !

- Heu, ce n’est pas ça, madame. Mais…. je suis chargée de contacter les vingt-cinq quarante ans et… et... c’est un collègue qui s’occupe des soixante ans et plus.

Mon œil ! Enfin elle a fait un effort de politesse, celle-là. Pour sa peine, je lui souhaite gentiment une bonne fin d’après-midi sans lui raccrocher au nez. Mais je fourbis mes armes pour la prochaine.

Pas plus tard qu’hier, 19h, dring… Encore un sondage pour… je n’ai même pas écouté la suite, impatiente d’entendre la question clé.

- Vous avez moins de soixante ans, madame ?

- Non, madame.

- Ah… votre mari peut-être ?

- Pas de chance. À trente ans, j’étais bien amoureuse d’un de mes élèves de 6ème mais je n’ai pas eu la patience d’attendre sa majorité. J’ai épousé un collègue. (Pure affabulation, je précise !)

Elle persiste.

- Vos enfants alors ?

- Allons, mon petit, à notre âge, vous nous imaginez avec des enfants au berceau ?

Elle en tient une bonne couche la sondeuse, elle s’enferre.

- Il n’y a vraiment personne de moins de quarante ans à votre domicile ?

Je retiens mon souffle quelques secondes et je lance.

- Ah mais si, que je suis bête… mon poisson rouge !

Et j’éclate de rire avant de reposer le combiné.

Tout compte fait, ils ont bien raison, ces enquêteurs qui refusent d’interroger les plus de soixante ans ! Certains d’entre eux sont vraiment odieux !

 

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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 22:36

Un jury partagé, un jury divisé, un jury passionné mais au final un jury qui se réjouit d’avoir partagé des grands moments de lectures puisées dans tous les lieux du monde, de la plus intime à la plus éloignée des constellations pour que vive encore et toujours le désir de dire la vie, réelle ou imaginaire…

Le jury remercie tous les auteurs de cette huitième édition du concours de nouvelles calipso et félicite tout particulièrement :

 

1- Le grand voyage, de Romain Nilly
2 - Au pied du cerisier anglais, de Jean-Claude Touray
3 - L'empouse, de Sylvie Dubin
4 - Fin de saison, d’Annie Mullenbach-Nigay
4 - La complainte des derniers jours, d’Emmanuelle Hersant
6 – Correspondances, de Jacqueline Dewerdt-Ogil
7 - Télescopage de parallèles, Dominique Guérin
8 - La course du sanglier en Transcarpatie, de Benoît Camus
8 - Le dormeur, de Michele Benoit
8 - Si proche si lointaine, de Sylvain Onchelet
11 - Parents adoptés, d’Isabelle Clement
12 - Juste ta respiration qui change, d’Aline Gross-Batiot
13 - Rêves partis, de Jean-Michel Faure

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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 13:21


Après quelques semaines passées à humer l’air du large, Suzanne Alvarez fait de nouveau escale au café avec un peu de musique pour accompagner cette nouvelle...



Rhapsodie in blues

 

Aujourd’hui, ne me restent que ces détails arrachés à ces moments terribles. Pourtant, même à huit mille kilomètres, et après toutes ces années, je ne peux m’empêcher d’être là-bas. Ma pensée y revient sans cesse, et ces images affreuses brûlent en moi, tel un charbon ardent.

 

 

Dans les mains larges comme des battoirs du colosse à la force tranquille qui nous faisait face, le verre paraissait fragile. Cherchant une respiration exagérément calme, et oubliant qu’il se référait à un discours silencieux, Peter finit par articuler :

- C’est mieux de partir… on ne peut plus rester ici …

Puis il ajouta, tentant de se convaincre lui-même de ses propres paroles :

-Il faut se secouer… ne pas se laisser aller… continuer à avancer !… Vous comprenez ?

Et tandis qu’il disait cela, chacun se remémorait la scène de la veille, repassant en pensée l’effroyable film sans paroles.

Tout s’était passé si vite que nous n’avions pas eu le temps de bien comprendre. La gamine en jupette rouge qui dansait presque chaque soir sur la terrasse du " Mambo ", pour distraire la clientèle, en échange de quelques malheureuses pièces, s’était écrasée sur l’un des quais de la Marina de Port-Saint-Charles, dix mètres plus bas, juste devant Rhapsodie, le sloop* de Peter.

Cela faisait plusieurs semaines que nous étions ici et que nous n’arrivions pas à décoller, tant nous nous sentions bien à la Barbade*. Mais ce samedi-là, nous étions réunis pour la dernière fois autour d’un pot d’adieu, sur Sindbad, la goélette de Roger, le Canadien, et pleins du même malheur. Après, on reprendrait sa route en solo, pour tenter d’oublier l’inoubliable.

A un moment donné, Roger avait dit :

- Il n’y a presque plus de glaçons !

- Des glaçons ? Peter avait répété lentement ce mot, essayant de le faire entrer dans sa tête, puis, il avait annoncé qu’il en avait tout une cargaison sur son bateau.

-Bougez pas, je reviens de suite! avait-il fait presque joyeusement, en enjambant les filières de la goélette, passant sur le pont du ketch d’un couple, Allemands comme lui, pour s’engouffrer enfin à l’intérieur de son voilier.

 

Le silence s’était à nouveau installé. Nous attendions son retour, la tête basse, les yeux rivés sur notre verre. Chacun tâtant son cœur. Cela faisait si mal. La nuit blanche que nous venions de passer nous avait éreintés…

Puis on avait entendu comme le bruit d’une explosion. Non, une détonation, plutôt.

 

 

Devant la descente du carré du voilier Rhapsodie, nous contemplions tous la scène, hallucinés, saisis et comme figés dans l’horreur, au point qu’aucune larme ne coulait de nos yeux.

De sa poitrine ravagée par la balle du Vernet Caron*, du sang avait giclé, souillant une partie des boiseries et des coussins, maculant un livre de Francis Chichester*. Ses yeux clairs étaient grand ouverts, immenses, comme si sur le point de mourir, il avait voulu se remplir des visions que la vie ne pourrait plus jamais lui offrir.

 

Cela faisait déjà cinq ans qu’il tenait avec ces images rouges dans la tête, qu’il faisait semblant d’être fort pendant le jour, qu’il pensait qu’il pouvait y avoir encore du bonheur dans ce monde, que le paradis était là, sous ses pieds, et que rien d’autre n’était vrai. Chaque nuit, pourtant, au plus profond de son sommeil, Hans, son meilleur ami, son équipier qui avait trouvé la mort en voulant le sauver, lui, Peter, de la noyade, lui rendait visite, s’invitait dans ses rêves, tandis que sa culpabilité de n’avoir pu rien faire pour le sauver à son tour et d’être vivant à sa place, le torturait d’un déchirement sans fin.

  

*La Barbade ou Los Barbados : petite île corallienne de la Caraïbe au Sud-est de Sainte-Lucie. On y parle l’anglais et le dialecte Bajan, mais on entend aussi parler souvent le français.
*Sloop : gréement de bateau à voile à quille avec un seul mât (central). *Vernet Caron : fusil de chasse
*Sir Francis Chichester 
 : navigateur britannique qui, en solitaire, fit, en 1966, le tour du monde à la voile en 226 jours, à bord de son ketch " Gypsy Moth IV ". . 

 

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12 septembre 2009 6 12 /09 /septembre /2009 22:21

Alors voilà la liste des nouvelles et de leurs auteurs qui en étaient aussi avant que le jury ne fasse valoir ses coups de cœur… et bienvenue au café si le cœur vous en dit…

 

Par ordre alphabétique :

Alors le loup, Annick Demouzon

Aux portes de l’enfer, Anne Lurois

Chagrin, Luc Bolognini

Déjà vu, Catherine Wrobel

Déraciné, Pascal Hautmont

Dilemme, Sébastien Héquet

Etretat, Roland Goeller

Fidèle au poste, Françoise Bouchet

Je sais nager sans bouée, Geneviève Steinling

L’enfant Plume, Laurent Houssin

La corde, Chantal Molto

La petiote, André Fanet

La petite boîte rose, Séverine Gaspari

Lavoisier, l’obit et le couteau, Bernard Jacquot

La myopie du sniper, Dominique Chappey

Le cordon et la main, Chantal Blanc

Le facteur de Balzac, Alain Lagrange

Le quatre février au crépuscule, François Amanrich

Malamour, Désirée Boillot

Mon arbre, Pascale Corde Fayolle

Montre moi tes cornes, Laurence Marconi

Premier jour, Sylvette Heurtel

Pris en sandwich, Richard Basset

Proches parentes, Olivier Deleau

Rendez-vous, Jacqueline Bordeau

Retour, Marie Bouchet

Voyage, Marie-France Duprez

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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 21:41

Des nouvelles, certes ! mais aussi des récits d’enfance, des journaux intimes, des carnets, des confessions, des témoignages, des allers-retours… beaucoup d’introspection, d’interrogations, de révélations… et de la poésie qui va et vient entre les yeux, les oreilles, la bouche, des mots qui font parler les pierres, des mots à fleur de peau qui viennent de tous les lieux du monde, du plus intime au plus étranger, des mots intemporels qui réveillent des drames anciens ou qui s’animent pour conjurer les malheurs d’aujourd’hui, des mots mus par l’immensité de la nostalgie et des illusions perdues, des mots fiévreux poussés par l’impatience, ballottés par des courants contraires, des mots qui apprennent à voir, à écouter, à lire, des mots qui font naître l’inattendu, des mots rappelés à la vie et qui permettent de retrouver d’autres mots sous les maux, des mots extravagants, délicieux, éphémères, des mots qui donnent à désirer…

… et un jury qui part dans tous les sens avec pas moins de quarante nouvelles présélectionnées… pour arriver au bout du conte avec ces treize qui en sont…


par ordre alphabétique :

Au pied du cerisier anglais

Correspondances

Fin de saison

Juste ta respiration qui change

L’Empouse

La Complainte des Derniers Jours

La course du sanglier à travers les marais en Transcarpartie

Le dormeur

Le grand voyage

Parents adoptés

Rêves partis

Si proche, si lointaine

Télescopage de parallèles


Et un grand merci à tous les auteurs qui n’en sont pas.

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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 16:59

Au café, tout le monde apprécie son esprit éclairé et sa virtuosité à nous en faire voir de toutes les couleurs ; après une longue absence Jean-Claude Touray fait sa rentrée.

 

 

Cassée

 

On lui avait bien dit… ce n’est pas faute d’avoir été prévenue… Dans son état, elle ne pouvait plus rester seule chez elle, c’était évident. Un jour ou l’autre, il fallait s’attendre à l’accident.

Elle pouvait ranger ses lunettes " pour voir de près ", dans le four à micro-ondes et l’avoir oublié une minute plus tard. Elle ne retrouvait ses bésicles et la faculté de lire le journal, que lorsqu’elle pensait à s’occuper de sa chatte Grisette et qu’elle entreprenait, à l’heure du brunch ou du souper, de tiédir une tasse de lait pour ce félin délicat.

- Tiens, mes carreaux disait-elle, j’aurais pu encore les chercher longtemps…

Tout cela en ayant sur le nez ses lunettes " pour voir de loin "… . A condition de ne pas les avoir temporairement égarées. Par exemple en les plaçant avec sa ménagère, dans le tiroir du buffet. Heureusement, elle avait gardé l’habitude du service pour marquer le jour du Seigneur. En mettant le couvert pour le déjeuner du dimanche suivant, elle retrouvait ses lorgnons, à côté de son couteau et de sa fourchette en métal argenté.

- Tiens, mes autres carreaux disait-elle, j’aurais pu encore les chercher longtemps…

Pas étonnant que dans ce contexte, l’accident ait fini par se produire avec toutes les fâcheuses conséquences que l’on imagine. Passons par pertes et profits la rupture du col du fémur : à partir d’un certain âge, elle est inéluctable. Mais la vieille dame s’est cassé en outre un tibia, un péroné, deux côtes premières et trois côtes découvertes.

A force de tournicoter à chercher ses lunettes, elle a fini par tomber dans un gigantesque trou de mémoire.

D’où une fort mauvaise chute.

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2 septembre 2009 3 02 /09 /septembre /2009 22:32

La poésie est à l'honneur ce soir avec Régine Garcia en maîtresse d'oeuvre... 

Terre de chair

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