C’est à Danielle Akakpo qu’il revient aujourd’hui de présider le bar pour "Le printemps de Calipso". Elle nous propose un poème bien connu, juste un peu réécrit…
Réfléchis, ma beauté, ça déboule à toute allure le temps des quatre-vingt berges et plus, des rhumatismes, de la canne, du sonotone. Ce temps où tu trembloteras, effondrée dans ton fauteuil, une couverture de laine sur les genoux, un châle à carreaux sur les épaules. Je sais de quoi je cause, à force de rendre visite à ma grand-mère. Un calvaire d’ailleurs, ces visites ! Elle n’arrête pas de parler de ses vingt ans, mémé, elle n’arrête pas de se plaindre, de regretter ses boucles blondes, ses joues lisses, sa taille de guêpe, et le bel étranger qui voulait lui faire connaître le monde. Toi aussi, tu veux finir comme elle, avec des regrets, de l’amertume plein le cœur ?
Tu es mon soleil, mon étoile, je suis fou de toi, je t’idolâtre à en crever. Je te le serine chaque jour, je le claironne à la cantonade ! Ta mère, ta sœur, tes copines, tes collègues, tout le monde te répète que je suis celui qu’il te faut, que tu auras du mal à en trouver un qui t’aime à ce point, qui te couvre de fleurs, de compliments, de cadeaux !
Et toi, tu tergiverses, tu me fais languir, tu m’accordes un baiser, tu m’autorises une caresse. Tu le sais bien que je veux plus, que je te veux toute à moi, que je te désire, là, le mot est dit ! Alors, qu’est-ce que tu attends ? Le bonheur, ça ne t’intéresse pas ? Décide-toi, bon sang ! Parce qu’en dépit de l’adoration que je te porte, je sens que je vais finir par me lasser. Ce n’est pas une vie que tu me fais mener… et je ne suis pas de bois !
Allez, ma beauté, colle tes hésitations dans ta poche avec ton mouchoir dessus, et précipite-toi dans mes bras, dans mon lit ! Les draps t’espèrent, eux aussi, tout aussi impatiemment que moi. Mais ma foi, si tu préfères finir racornie, desséchée, ton bol de tisane à portée de main, à compter tes derniers cheveux blancs, tes dernières dents, à chevroter, blottie contre ton radiateur électrique : " Si j’avais su, si j’avais su ", c’est ton problème, ma chérie !