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23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 14:13

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Une fois encore Olivier Adam était en lice pour le Goncourt. Le recherchait-il ?L’attendait-il ? Cela s’est joué sur le fil. Il ne l’a pas eu. Qu’importe ! De l’avis des éditeurs et des libraires le Goncourt est un produit phare, un objet de luxe bon marché qui circule allègrement entre personnes de qualité à l’approche des fêtes de fin d’année. Une place bien en évidence dans la vitrine du salon, un objet de contemplation carré et immaculé, voilà ce qu’il advient à un bon nombre d’exemplaire du livre de l’année. Olivier Adam mérite beaucoup mieux que cette destinée-là. On n’acquiert pas et on ne lit pas ses romans par hasard ou alors il s’agit d’un hasard objectif, une sorte de clairvoyance dans la rencontre à la manière des surréalistes.

Il y a des livres avec lesquels on se repose, d’autres où la jouissance est immédiate, des livres qui exigent l’intimité ou au contraire ouvrent les portes de royaumes en suspensions, fantastiques et équivoques, des livres qui révèlent l’expérience charnelle du monde, pages de plaisirs et de douleurs, de joies et de mécontentements, des livres où l’on se voit sur la scène sans pour autant jouer, ombres de nous-mêmes prises dans l’expérience de la cruauté, de l’injustice, de l’inhumanité. On ne sort pas indemne de ces livres-là. Nous sommes pris par la nécessité d’en parler, de dire ce bruit sourd, ce grondement sauvage qui nous vient de l’intérieur. Toute la force d’Olivier Adam tient en cette recherche de lien entre la sphère intime et la violence du monde extérieur. L’engagement est entier. Son écriture est un abri de fortune cerné par les ténèbres, un refuge où respire la vie. C’est de la vie qui bat, pleine d’espérance mais bordée par l’insécurité. Alors cette vie, même quand elle semble passer à côté, même lorsqu’il est difficile d’en saisir le fil ou qu’il soit terriblement compliqué de s’y frotter, ne peut être réduite à la somme de ses tragédies, elle appartient à ceux qui ne se résignent pas, à ceux dont le désir d’être dans l’existence est plus forte que tout. Son dernier roman A l’abri de rien est de cette trempe-là, une fiction écrite sous tension, une confrontation bouleversante entre ces êtres meurtris, ces destins déchirés, violentés et les souffrances d’une femme de presque rien, prise par le doute, poussée par la force de sa révolte à aller au bout de sa quête de sens, à s’éprouver pleinement dans l’adversité quitte à se briser sur les récifs de la folie. Comme Passer l’hiver ou comme Falaises, A l’abri de rien est un livre écrit à hauteur d’homme et que l’on ne garde pas pour soi.

A l’abri de rien d’Olivier Adam aux Editions de l’Olivier, 220 pages, 18€

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commentaires

S
Merci, Patrick, pour cette belle et juste chronique. Je suis heureux de constater que nos sensibilités littéraires se rejoignent assez souvent...
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D
J'avais lu Falaises à la suite d'un article de ce blog, j'avais aimé, je sens que je vais à nouveau suivre le conseil de l'ami Patrick...
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P
Bien heureux d'avoir pu vous transmettre l'envie de lire ce dernier opus.
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R
Cette critique m'a donné envie de lire le dernier Olivier Adam. Pourtant, j'ai une pile de livres en retard à lire :( Mais où vais-je trouver le temps de tout lire ???
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D
Rien ne pouvait me faire plus plaisir que cette critique. J'ai fait connaissance tout récemment avec Olivier Adam avec Falaises. Je n'en suis pas "sortie indemne", loin de là mais bouleversée et enthousiasmée au point de me promettre de lire tout Adam! Il ne me manque plus que A l'abri de rien.Des tranches de vie, des instants d'espoir, de désespoir et un style si épuré qu'il renforce l'émotion.
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