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Illustration Samuel Gounon
La ballade de Morteterre
Vieufou
Je suis l’arbre aux fruits défendus
Le seul qui n’ait pas disparu
De cette étoile funéraire
De cette morte, morte terre
J’ai vu naître une race fière
Qui apprit à manier le fer
Et qui parvint à accéder
A un semblant d’humanité
Mais à vouloir me cultiver
Les hommes ont rasé les forêts
Ont asséché les océans
Et vendu leur âme à Satan
Ile avaient inventé le temps
Et cru que c’était de l’argent
Glorifié des billets verts
Et monnayé leur propre mère
Ils ont fabriqué leurs cercueils
En coupant mes dernières feuilles
Et un jour se sont tous pendus
Au bout de mes branches tordues
Nul n’a enterré le dernier
Il s’est écroulé à mon pied
Les poumons ne trouvant plus d’air
La bouche pleine de poussière
Epuisant ses dernières forces
Il a gravé sur mon écorce
Le Te Deum à Lucifer
La ballade de Morteterre
J’ai fait un lit de mes racines
Je l’ai couché dans mes épines
Ses os blanchissent au soleil
Il dort de son dernier sommeil
O Morteterre, n’ayez crainte
Le vent me joue votre complainte
Déjà des cellules s’affairent
Et commence une nouvelle ère
Je suis l’arbre aux fruits défendus
Mes branches sont basses et fourchues
Sur Morteterre toujours je veille
Et je prépare son réveil.