Gilbert Marquès publie en ce mois de mars son premier vrai recueil de nouvelles. C’est également son quatorzième livre. " Instantanés " recueil de nouvelles et de textes courts Éditions du Masque d’Or, Scribo diffusion, 18 rue des 43 Tirailleurs 58500 Clamecy (18,50€ franco de port.)
Les vingt textes composant ce recueil appartiennent-ils réellement au genre littéraire de la nouvelle ? Les puristes épris de doctes définitions répondront par l’affirmative pour certains, non pour d’autres. Le plus important pour le lecteur ne réside-t-il toutefois pas dans ce chacun d’eux raconte plutôt que dans une vaine querelle d’experts ?
A ce propos, le titre de ce recueil paraît suffisamment explicite. Il s'inspire d’un terme technique attaché à la photographie qui fige, comme savait si bien les capter DOISNEAU, des instants fugaces de vie. Ici et faute d’image, ces courtes tranches d’existence, ces portraits, ces réflexions ont été fixés par l’écriture. Qu’ils soient imaginaires ou le fruit de faits divers, d’expériences vécues, ne revêt pas une grande importance. Plus essentiel semble le prisme au travers duquel l'auteur les a déformés par ses propres visions et par la perception qu’en aura chaque lecteur.
D'où l’illustration de couverture, cette femme à la position statufiée dans le marbre, qui n’a pas été choisie par hasard. Elle symbolise à la fois l’immobilisme et l’infini que, finalement, la photographie, la sculpture et l’écriture immortalisent dans une œuvre achevée.
Gilbert MARQUÈS, Toulousain fidèle à cette ville qui a vu éclore l'écrivain qu'il est devenu, n'oublie pas son passé théâtral et musical. Ce n'est pourtant pas à ces formes d'art qu'il consacre ce nouvel ouvrage. Il rend en effet hommage à la photographie et après avoir successivement publié des romans, un essai, un récit poétique, il nous propose un premier recueil de nouvelles, genre littéraire à part entière qui ne lui est pas étranger puisqu'il publie régulièrement des textes en revues et sur différents sites Internet.
Le sein révolutionnaire
Nouvelle tirée du recueil Instantanés
En ce soir de 14 juillet révolutionnaire où la lune, éreintée, pleure des larmes de feu d’artifice, mon regard indiscret a volé l’image d’un sein par l’échancrure d’une emmanchure trop large.
Vision fugitive ô combien réconfortante !
Il ne s’agissait pas d’un de ces seins pigeonnants à la chair abondante, douce peut-être à sa maturité mais irrémédiablement avachi par la vieillesse. Il n’était pas davantage bouton de culotte posé comme par mégarde sur une poitrine gracile et dont l’attrait, s’il ne se fane pas sous les caresses du temps, déshonore une femme de n’être pas… un homme. Il n’était pas enfin frileux et pudibond, prêt à se cacher dès qu’un œil le frôlait ou encore exhibitionniste, se livrant allègrement à la concupiscence.
Il était un sein, simplement, pourtant ni ordinaire ni banal. Plutôt petit, certes, mais joliment pommé. Sans aucun doute ferme dans sa texture, il pointait fièrement vers l’avant son mamelon rosé. Rien d’agressif cependant ! Il paraissait même plutôt discret, de cette discrétion mutine le faisant immanquablement remarquer parce qu’il n’avait besoin d’aucun artifice pour le soutenir. Elégant, il se montrait sans honte ni ostentation.
De prudes esprits chagrins hausseront les épaules à la lecture de cette historiette, pensant qu’il n’y a pas de quoi faire un plat pour un sein. Elément naturel du corps féminin, il n’est après tout qu’une vulgaire mamelle.
J’en conviens mais qu’il me soit toutefois permis de concevoir qu’il en est d’agréables à regarder alors que d’autres qui s’exposent, feraient mieux de se dissimuler.
Les seins ne sont-ils pas, au-delà de leurs fonctions utilitaires, un des attraits de la femme, ajoutant à son charme sinon à sa beauté ? Affirmer le contraire serait refuser le plaisir auquel ils participent.
Ceux-là ou, plus exactement, celui-là puisque je n’en vis qu’un, encore que je ne doutai pas un instant que son jumeau possédât les mêmes qualités, entraient dans cette catégorie des seins admirables.
Bien que de proportions modestes, il possédait sans conteste quelque chose de… sain. Il respirait la santé, heureux de vivre, un peu moqueur, un brin provocateur, bourré de coquetterie en somme.
En bref, je le qualifiais instantanément de rieur.
Candide, il ne se montrait pas vraiment tout en souhaitant certainement qu’on le vit.
Quoi de plus libertaire au fond qu’un sein canaille en ce soir de fête et surtout, quoi de plus pacifiquement désirable ?
Selon l’histoire, les hommes qui, en 1789, firent la révolution, se qualifièrent de "Sans Culottes". Elle ne dit pas si les femmes de l’époque avaient la poitrine nue pour défier l’ordre établi encore que Marianne est souvent représentée trônant sur les barricades, le bras haut levé tenant un étendard et un sein dévêtu. Si tel était le cas, ce que pour ma part j’ignore, ce sein ingénu entrevu serait le digne descendant des poitrines révolutionnaires en même temps que le plus gracieux symbole d’une liberté douce à vivre dans la paix… républicaine.