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12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 09:58

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L’eau fait partie d’elle. Paisible jardin où les heures s’étirent sans bruire. Elle ne saurait aller ailleurs pour disperser ses larmes et attendre le soir. Quand des lueurs rousses apparaissent, c’est de la terre que lui parviennent les parfums d’une douceur étourdissante. Son homme a trouvé refuge à quelques pas de la berge parmi les bambous sacrés dressés vers le ciel. Il est enfoui nu, à même la terre et ne pleure plus l’absence. Pourtant quand elle l’appelle et qu’elle dit se souvenir avec ravissement de ses baisers, elle entend bien qu’il pleure aussi un petit peu. De son corps meurtri sort alors un liquide chaud et odorant. Bienheureuse douleur coulant paisiblement, presque goutte à goutte, jusqu’au fleuve où veillent les esprits.

 

 

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 08:00

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Nous accueillons aujourd’hui Laurence Soleymieux qui a entrepris depuis peu de voyager en écriture…

 

J’ai toujours manié la plume avec une relative aisance. Enfant, je prenais plaisir à écrire des poèmes à l’occasion de fêtes familiales. En d’autres circonstances, je réécrivais les paroles de chansons pour adapter le message à son destinataire. Mes rendez-vous quotidiens d’adolescente rebelle avec mon journal intime ont sans doute instillé en moi cette passion des mots, qui m’a conduite tout logiquement à choisir un bac littéraire. Je ne me suis pas éternisée dans les études mais à tout le moins, celles-ci ont-elles eu l’avantage de pérenniser mon attachement à la langue française. Plongée dans ma vie professionnelle et personnelle, toutes deux très remplies, je n’ai pas pris le temps d’un arrêt sur image, d’une remise en question, d’une véritable introspection… jusqu’au jour où, avec lucidité j’ai pris conscience que j’avais fait le tour de mon activité professionnelle depuis tant d’années… J’ai donc décidé de me prendre en mains. Le bénéfice de l’âge sans doute…

Après deux ans d’intense préparation sur mon temps libre, avec des phases de doute mais aussi de nombreux encouragements et le soutien de mes proches, j’ai validé un Master 2 de Lettres Appliquées à la Rédaction Professionnelle. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, dans le même temps, je remportais le premier prix à un concours d’écriture. Cette conjonction d’événements a été pour moi le catalyseur positif pour continuer à écrire, pour moi, pour les autres, pour être lue. Alors, prenez quelques minutes pour me lire et faites-moi part de vos impressions !

 

 

Le grand escalier

 

« Nous venons de construire la première marche d'un grand escalier... qui reste à faire ».

Ainsi parlait mon grand-père, alors qu'âgée d'à peine douze ans, je scrutais son regard dans l'espoir de trouver une réponse à cette phrase qui me parut très énigmatique.

Ce n'est que quelques années plus tard que je pris toute la mesure de cet aphorisme.

 

À cette époque-là, nous passions beaucoup de temps avec nos aînés, à bavarder, à les écouter nous raconter quelques tranches de vie, et nous partagions ainsi quelques instants singuliers de leur existence. Nos anciens n'étaient pas enclins à se livrer spontanément, ils étaient plutôt pudiques et réservés. Néanmoins, lorsque l'occasion s'y prêtait, devant l'insistance unanime des enfants et petits-enfants, ils finissaient par se laisser aller.

Durant le printemps 1982, nous passions quelques jours de vacances dans la maison familiale non loin de Saint-Symphorien-sur-Coise. Nous partions tous ensemble pour de longues parties de pêche. Mon frère cadet ne s'intéressait guère aux poissons et leur préférait son vélo. Quant à moi, je m'armais de patience et tâchais de faire bonne figure calée dans mon siège de toile pliant, en proie à des nuées de moustiques. Les repas prenaient la forme de joyeux pique-niques délicieusement préparés par ma grand-mère. C'était des moments de convivialité et de franche bonne humeur au cours desquels les discussions entre adultes allaient bon train.

Ce jour de juin 1982, malgré le chant des oiseaux et l'odeur qui s'exhalait des foins fraichement coupés, l'atmosphère à table était plus grave que d'ordinaire. Mon grand-père avait en effet décidé de nous faire le récit de ses exploits de guerre. J'imagine que ce lieu avait été en d'autres temps le théâtre de violents combats, et qu'il réveillait de lointains souvenirs. Il commença par sa première tentative d'évasion d'un camp de travail en Allemagne, en 1944. Il avait ce talent d'orateur romanesque qui nous gardait mon frère et moi suspendus à ses lèvres, impatients de connaître le fin mot de l’histoire. Captivés par son récit, nous ne pouvions nous empêcher de lui poser des questions sur des détails, qui à nos yeux d'enfants, revêtaient beaucoup d'importance.

Il nous raconta comment sa seconde tentative d'évasion avait réussi. Avec deux autres prisonniers, ils avaient minutieusement préparé leur fuite en déterminant le moment opportun, en économisant les rations alimentaires reçues les jours précédant l'évasion... Rien n'avait été laissé au hasard. Il nous raconta fièrement les passages clandestins de frontières planqués dans les coffres de voitures ou sous la banquette d'un train, leurs périlleuses journées de marche dans la campagne française pour rejoindre leurs villages.

Le déjeuner sur l'herbe ce jour-là s'éternisa au point qu'on en oublia presque de préparer nos lignes de pêche pour l'après-midi. Il faut dire qu'il savait raconter les histoires comme personne !

 Il évoqua ensuite comment lui et d'autres gars avaient fomenté le dynamitage de plusieurs ponts de chemin de fer, et ainsi organisé la résistance à l'ennemi. Il se souvint tout particulièrement d'une opération de sabotage sur le pont qui enjambait La Gimont, petite rivière poissonneuse, située à quelques encablures de là. Affecté au ravitaillement militaire durant ses deux années d’active implication résistante, il avait mis à profit ses compétences pour détourner munitions et armes. Il avait ainsi apporté sa pierre à l'édifice de la liberté et construit lui aussi comme tant d'autres une marche de ce grand escalier qu'il faudrait bâtir marche après marche, pour accéder à la victoire. Comme de nombreux soldats et civils, il avait pris des risques énormes. Certains avaient payé le prix fort...

 

Je me souviens à présent de cet autre après-midi d'automne, au moment du dessert; certainement le moment que je préférais. Ma grand-mère aimait acheter des gourmandises chez le pâtissier pour finir en beauté les repas de famille. Ce jour-là, le plateau à dessert regorgeait de gâteaux très différents et devant mon hésitation à choisir, il leva brusquement le plat qui se renversa. Je ne compris pas son geste sur l'instant, mais avec le recul des années, je compris que son geste d’humeur sanctionnait mon attitude d'enfant gâtée, lui qui avait manqué de tout pendant quatre longues années.

 

Aujourd'hui, plus que jamais, je me rappelle son Histoire, celle d'une lutte acharnée, mue par une soif insatiable de justice et de liberté, animée d'un extraordinaire don de soi. Il était aussi vif et impétueux et je ne peux m'empêcher de penser que c'est peut-être cette espèce de rage intérieure qui lui a permis de vivre jusqu'à près de 97 printemps. Je ressens encore aujourd'hui l'émotion et la dignité qui se dégageaient de ses récits, et l'admiration que je lui portais enfant, n'a rien perdu de son intensité.

J'ai compris bien plus tard la signification de ce message, car même en l'absence de conflits, nous avons chacun à notre façon, « un grand escalier qui reste à faire ». C'est un travail quotidien, pas après pas, marche après marche, que de préserver la tolérance, l'écoute, l'amour et la solidarité ; pour que ce monde résiste lui aussi aux maux d'aujourd'hui.

Que ce soit dans le microcosme familial ou dans l'enceinte de l'entreprise, ou plus largement à l'échelle d'une nation, l'humanité ne peut se soustraire à la construction de cet escalier ; veillons à ce que les marches soient exemptes d’individualisme, de cupidité, d’indifférence et de gaspillage, sous peine qu’elles ne s’effondrent…

 

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 08:00

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Regard d’un Belge sur les municipales françaises.

 

par Patrick LEDENT  

 

 

Dans un récent article sur ce même blog, Claude Bachelier évoquait la république en danger. Je partage, hélas, son point de vue.

 

Je n’en veux pour preuve que les résultats de Fréjus et Béziers (entre autres), aux dernières municipales. Fréjus passe au FN parce que les deux candidats UMP (ou assimilés) se maintiennent ; Béziers parce que le candidat socialiste refuse de se retirer, bravant les injonctions de son parti. Donc, oui, comme l’écrivait Claude Bachelier, il faut du courage pour lutter contre les extrémismes : en l’occurrence, pour faire front dans le premier cas, et pour renvoyer son orgueil au vestiaire dans le second.

 

Bien sûr, les abstentionnistes ont aussi leur part de responsabilité. Car l'abstention est bien moins la déclaration d'un ras-le-bol à l'encontre des dirigeants traditionnels – comme se plaisent à le clamer les médias – qu'une lâcheté coupable qui porte au pouvoir les minorités extrémistes, très mobilisées (les taux d'abstention sont moindres à Fréjus (28%) et à Béziers (32%), que la moyenne nationale (36%)).

 

Je me suis livré à un petit calcul d'arithmétique élémentaire. M. Rachline, à Fréjus, est élu avec 45,5% des suffrages exprimés, ce qui représente 17,5% de la population (100% - 54,5% (opposants) -28% (abstentionnistes)). Quant M. Ménard, à Béziers, il est élu avec 47% des suffrages exprimés, ce qui représente 15% de la population (100% -53% (opposants)-32% (abstentionnistes)). Voilà deux maires qui auront à dos, ipso facto, près de la 85% de leurs administrés! Et voilà où conduit l’abstention !

 

J’admets que pour ces petits calculs, je pars du principe que tous les partisans du FN se sont mobilisés. Je n'en ai pas la preuve, mais qui en doute? La haine ne s’essouffle jamais car là où l’amour comble, la haine creuse. Or, on le sait, les gouffres sont sans fond.

 

En Belgique, le vote est obligatoire. Une idée à suivre ?

 

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4 avril 2014 5 04 /04 /avril /2014 11:00

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La librairie Le Tumulte des Mots à Paris 9è a organisé le 3 avril 2014 une soirée rencontre, lecture, dédicaces autour du livre Double issue de Désirée Boillot. Vous pouvez écouter ci-dessous un extrait de cette lecture… et vous rendre ensuite chez Zonaires éditions pour commander le livre et découvrir la suite de ce beau roman.

 

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3 avril 2014 4 03 /04 /avril /2014 10:00

Couv avant l'exil-copie-1

 

Le livre « Avant l’exil, j’étais quelqu’un  - Paroles de réfugiés » sort aujourd’hui. Il est finalement édité par l’association Apardap (Association de Parrainage Républicain  des Demandeurs d’Asile et de Protection) qui pourra ainsi bénéficier de retours financiers plus conséquents. apardap@gmail.com  

 

Que soient remerciés tous ceux qui ont contribué à la naissance de ce livre et en particulier celles et ceux qui ont pris le risque de dire et d’écrire pour qu’on sache qu’avant l’exil, ils étaient quelqu’un et qu’au-delà des épreuves, ils continueront à l’être.

 

Quatrième de couverture :

 

Partir pour être un étranger, un émigré

Partir pour perdre son identité

Partir pour être un sans-papiers …

 

Je suis un homme, oui, citoyen d’un pays tiers

Dès  lors que je sors de celui-ci, suis devenu : l’immigré …

 

Je repensais souvent à ces lieux de mon enfance que j’avais été obligée de quitter : un endroit magnifique, entouré de belles cases, de grandes forêts, avec la rivière, le Conseil des vieux Sages, la joie entre les gens, l’amour des parents, le respect des personnes âgées…

 

J’y ai connu des difficultés énormes, l’amertume, des douleurs infinies. Mon but comme celui de mes compagnons était de traverser le pays jusqu’à Nouakchott …

 

Lorsqu’on doit faire une confession, on doit vous soumettre à un traitement mécanique, sans ça vous allez toujours vous déclarer innocent. Ici vous appelez ça la torture, mais là-bas, c’est la procédure, on appelle ça la procédure, ça fait partie de la procédure d’investigation…

 

Ensuite, avec mon bac scientifique, j’ai fait la formation. Ce n’était pas facile. Pour quelqu’un qui faisait un travail intellectuel, devenir ouvrier ce n’était pas facile. Et puis j’ai eu mon diplôme de plombier…

 

* * *

 

NB : Les personnes qui ont généreusement répondu à l’appel au financement participatif via le site Kiss Kiss Bank Bank recevront directement le livre ces prochains jours.

 

 

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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 21:25

Grenoble--ville-ouverte.jpg

 

 

Demain

 

Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.

 

Robert Desnos

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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 17:00

TGV-Hanoi.jpg

Pour Paniss et pour tous les amoureux du train, voici la belle machine vietnamienne qui vous procure de très grandes vibrations durant toute la nuit entre Hanoi et Sapa...

 

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14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 09:00

Cap.jpg

Pendant que le barman de Calipso et patron de Zonaires éditions se promène en train, vélo ou bâteau dans le sud-est asiatique, Désirée Boillot rame dans Paris pour promouvoir son roman "Double issue" publié récemment chez l'éditeur ci-dessus nommé.

Pas de raison de s'en faire car Désirée Boillot annonce que les bouchons de Champagne sauteront le mercredi 2 avril 2014 à partir de 19 heures à la librairie Le tumulte des mots, 6 rue Rochechouart, Paris 9è (métro Cadet). Ce rendez-vous sera suivi d'un pot, assorti d'un buffet chez l'auteure.

N'hésitez pas à venir avec des amis car la librairie est grande et les bouteilles de Champagne nombreuses.

A bientôt

 

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 13:30

13

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En ce jour, sept février de l’an 2014, je déclare ouverte la treizième édition du concours de nouvelles Calipso et vous donne rendez-vous jusque fin juin autour du thème :

 

« 13 »

 

 

Le concours est ouvert à tous, sans distinction d'âge, de nationalité ou de résidence.

Les textes soumis pourront avoir fait l’objet d’une publication préalable sous quelque forme que ce soit à charge pour les auteurs de vérifier s’ils sont libres de droits.

Le format des nouvelles devra être compris entre 1500 et 2000 mots (plus ou moins 10%)

Deux mois après la clôture du concours, un jury de cinq membres procédera à une première sélection de 12 nouvelles dont les titres seront annoncés sur le site Calipso en septembre 2014.

Trois grands prix seront attribués pour un montant de 600 € (dont 300 € pour le premier, 200 € pour le second et 100 € pour le troisième). Les douze nouvelles lauréates seront publiées en recueil au cours du dernier trimestre 2014. Elles seront également présentées au public et mises en voix et en musique par des comédiens et musiciens lors d’une journée "Nouvelles en fête" en octobre 2014. Les lauréats seront prévenus par téléphone ou mail au moins trois semaines avant cette journée. La présence des auteurs primés y est bien sûr souhaitée. Une contribution à leurs frais de déplacement d'un montant variable en fonction de leur résidence leur sera allouée, l'hébergement sera assuré par les membres de l'association Calipso.

Les auteurs primés s’engagent à ne pas réclamer de droits d’auteur autre que le prix reçu à l’occasion de ce concours. Les nouvelles, primées ou non, restent libres de droits.

Le jury et l’association Calipso se réservent la possibilité d’annuler le concours si la participation était jugée trop faible. En ce cas, les droits de participation et les manuscrits seraient renvoyés à leurs auteurs aux frais de l’association Calipso.

 

Pour participer

Les nouvelles présentées au concours sont limitées à deux par auteur. Chaque texte, présenté avec un titre original, sera rédigé en français, dactylographié, agrafé et expédié en cinq exemplaires. Il n’est pas exigé de reprendre le chiffre « 13 » dans le texte présenté.

Ni le nom, ni l'adresse de l'auteur ne devront être portés sur le ou les textes. Par contre, sur chaque feuille du texte, en haut à droite, l'auteur portera un code de deux lettres et deux chiffres au choix (exemple : AB/10). Ces deux lettres et ces deux chiffres seront reproduits sur une enveloppe fermée à l’intérieur de laquelle figureront le nom, l'adresse, le téléphone et l’adresse mail de l'auteur ainsi que le titre du texte (ou les titres, un code par titre).

Les droits de participation sont fixés à 5 Euros par nouvelle. (le chèque sera libellé à l’ordre de Calipso et encaissé après la clôture du concours). Une ou deux enveloppes timbrées à l’adresse de l’auteur pourront également être jointes à l’envoi si l'auteur souhaite un accusé de réception de sa participation et/ou l’envoi du palmarès. (à préciser au verso de l'enveloppe). Merci de ne pas poster les textes en recommandé.

La date limite d'envoi des œuvres est fixée au 30 juin 2014.

Calipso - 35 rue du Rocher 38120 Fontanil Cornillon, France 

Une rubrique "Concours de nouvelles 2014" est ouverte sur le site Calipso pour informer, commenter, questionner et suivre l’évolution du concours. http://calipso.over-blog.net

 

Le barman et toute l’équipe de Calipso vous souhaitent une agréable participation.

 

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6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 11:00

république

 

Nous reprenons aujourd’hui au café une chronique de Claude Bachelier paru sur son site en début de semaine.

 

La République en danger !!!

Claude Bachelier

 

Non, ce n'est pas un titre provocateur. Parce que j'ai vraiment le sentiment que La République, NOTRE République, laïque et démocratique, est gravement remise en cause par des groupes factieux, les mêmes qui, dans les années 30, rêvaient de la tuer, avant que de collaborer, pour la majorité d'entre elles, avec l'occupant nazi. C'étaient le Parti social français, les Jeunesses patriotes, le Parti franciste, Action française, Solidarité française Il y en a bien d'autres, hélas, qui avaient les mêmes socles idéologiques et qui ont suivi les mêmes chemins collaborationnistes.

Quels étaient les socles idéologiques de ces ligues ou de ces partis? Tout d'abord, une même haine, un même rejet de la République, de la Démocratie, mais aussi de la gauche. Ajoutons à cela les juifs, les francs-maçons, les syndicats, la presse et les étrangers.

Leurs moyens d'action ? Les manifestations violentes, les campagnes de presse d'une brutalité inouïe, les mensonges, les calomnies, les insultes anti sémites et racistes dont sont victimes les leaders de la gauche. À commencer par Léon Blum, Président du Conseil après la victoire du Front Populaire en mai 1936.

Ainsi, Xavier Vallat, futur commissaire aux questions juives du gouvernement Pétain, n'hésite pas à déclarer le 6 juin 1936 à la tribune de l'Assemblée Nationale: "Votre arrivée au pouvoir, Monsieur le Président du Conseil, marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par...

Il est alors interrompu par Edouard Herriot* président de l''Assemblée : "Prenez garde, Monsieur Vallat"

Et Vallat de poursuivre: "... par un juif. J'ose dire à haute voix ce que le pays pense en son for intérieur. il est préférable de mettre à la tête de ce pays un homme ... dont les origines appartiennent à son sol plutôt qu'à un subtil talmudiste." (1)

Il y a, à cette époque, une ultra droite, proche des gouvernements fascistes, telles l'Italie de Mussolini ou l'Allemagne d'Hitler. Elle est particulièrement active et occupe le champ politique bien au-delà de la droite classique ou de l'extrême droite. Pour Pierre Milza, "La radicalisation qui s'opère à la faveur de la crise n'a pas seulement pour effet de gonfler les effectifs des mouvements d'extrême droite. Elle tend à gommer les différences et à favoriser le rapprochement entre ces organisations activistes et toute une fraction de la clientèle et des cadres de la droite "classique" ... la radicalisation et la pénétration des formations les moins politisées par des éléments reliés aux courants activistes s'effectuant à la faveur d'une situation de crise." (2)

À cette époque donc, crise politique majeure. La classe politique elle-même était fragilisée par une succession de scandales financiers dans lesquelles bien des élus étaient impliqués. Ajoutons à cela une gouvernance délicate soumise aux caprices des partis politiques: est-il besoin de rappeler qu'entre 1930 et 1940, VINGT-DEUX gouvernements, oui, VINGT-DEUX, se sont succédés. Difficile de faire mieux en termes d'instabilité ministérielle, synonyme d'impuissance politique.

Est-ce à dire que la situation politique que nous vivons aujourd'hui a quelque chose à voir avec cette époque troublée? Mis à part l'instabilité ministérielle, je réponds oui sans hésiter. Une crise économique mondiale, conséquence de la cupidité et de l'incompétence du monde financier; des hommes politiques, et pas des moindres, accusés de fraudes, de corruption, de prévarication, ayant pour conséquences le rejet de la classe politique en général et des différents gouvernements en particulier ; la montée de partis extrémistes et nationalistes, partout en Europe; la mise en cause de la légitimité du pouvoir politique pourtant élu démocratiquement en 2012 et, partant, de certaines lois votées par le Parlement, telle celle du mariage pour tous.

La remise en cause de cette loi a ouvert la porte à toute une série de revendications portant à la fois sur des choix de société et sur des choix individuels. S'agrègent autour de ces remises en cause une myriade de revendications portées par des groupes vite noyautés, submergés par des organisations dont l'idée démocratique est le cadet de leur souci. Et parmi celles-là, les plus connues: Action française, Civitas, Egalité et Réconciliation. Pour la première, la République est une "gueuse". Pour la seconde, retour à la primauté du religieux dans la vie de tout un chacun. Pour la troisième enfin, un pouvoir fort débarrassé des idéaux démocratiques. Le tout emballé dans du papier cadeau respectable et bien élevé.

Mais ne nous y trompons pas: une fois le papier cadeau écarté apparaitra alors le vrai visage de ces gens-là, celui de la haine, de l'intolérance et de la folie meurtrière. Le même que ceux de leurs inspirateurs et références historiques. La manifestation du 26 janvier 2014 n'est pas si loin: chacun a pu voir et entendre ces hordes haineuses reprendre les mêmes slogans, répéter les mêmes violences que leurs mentors politiques des années 30. Il ne leur manquait que les chemises brunes ou noires.

Oui, si nous n'y prenons garde, la République est en danger. À cause de ces mouvements à vocation factieuse qui profitent, non seulement des faiblesses d'un gouvernement trop souvent incohérent et qui donne l'impression de ne pas savoir où il va, mais aussi, mais surtout de notre apathie, de notre indifférence, voire de notre lâcheté.

Pour conclure, qu'on me permette une anecdote. En 1979, lors des premières élections européennes au suffrage universel, j'ai entendu l'interview du Président allemand du parlement européen de l'époque qui disait à peu près ceci: "Dans les années 30, nous étions jeunes et insouciants et n'avions pour la classe politique que dédain et mépris. Nous préférions alors regarder ailleurs, refusant ainsi de voir les nazis qui s'imposaient dans la vie politique faute de réels opposants. Notre indifférence, notre cynisme et finalement notre lâcheté les ont amenés au pouvoir." A quelques mots près, c'est ce qu'il a dit. Et je me fais la réflexion que c'est peut-être ce que nous sommes en train de vivre.

Alors, oui, la République est en danger!!!

 

(1). in "Léon Blum" de Jean Lacouture, éditions du Seuil, collection Histoire, 1977, page 298.

(2). in "Histoire de l'extrême droite en France", sous la direction de Michel Winock, éditions du Seuil, collection Histoire, 1993, pages 157 et 159.

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