Par tous les saints …
Danielle Akakpo
Le Roi est furieux. Pas tellement à cause de quelques grands seigneurs de ses provinces qui intriguent pour le détrôner. Ceux-là, il pense pouvoir en faire son affaire. Non, ce qui provoque son ire, c’est un empêcheur de tourner en rond, un grand manipulateur de la populace qu’il ne sait comment museler. Et pour cause ! Jugez donc.
Ces ouvriers qui veulent gagner plus, qui font valoir que leur tâche est pénible et revendiquent le droit de se reposer avant que la Camarde les rattrape, par exemple ? (Est-ce qu’il se repose, lui ?) Qui leur souffle ces idées saugrenues ? Le croirez-vous ? Saint-Dicat !
Ces autres qui se gaussent de ses promesses quand il leur assure qu’il fera tout pour préserver leur outil de travail ? Qui les inspire ? Saint Dicat !
Sans parler de ceux qui ont plaisir à ne rien faire tout en ouvrant la bouche pour recevoir la becquée et qui prennent la mouche quand il veut leur imposer quelques heures de labeur… Encore un coup de Saint-Dicat !
Et tout ce monde-là envahit les rues en brandissant des pancartes qui, le moins qu’on puisse dire, ne sont ni aimables ni respectueuses pour lui. La faute à qui ? A Saint Dicat !
Pire ! On entend dans les campagnes mugir ces féroces paysans. Ils viennent même jusque dans les cités accompagnés de leurs vaches et cochons, agitant eux-aussi leurs méchantes banderoles. Qui les pousse, les encourage ? Saint-Dicat.
Foutu Saint-Dicat qui se met sans cesse en travers de son chemin, à lui, plutôt adorateur de Saint-Ducat.
Les autres ne lui posent pas de problème, pourtant. Au palais, le Roi a sa Sainte Nitouche, qui l’adore et le bichonne. Saint-Claude, nom d’une pipe, Saint-Alain, Sainte-Maurizette sont très coopératifs. Même la petite Bernadette de Lourdes est sortie de sa grotte pour l’assurer de son entière soumission. Mais le meilleur c’est encore Saint-Cop.
Le roi fait le voyage jusqu’à Rome dans son carrosse volant. Peine perdue. Sa Sainteté ne peut, ne veut rien faire. Elle l’exhorte à prier, très humblement.
Au retour, ravalant sa vanité, Sire le Roi s’agenouille, en chemise, les mains jointes et répète sa supplique :
« Mon Dieu, je vous en supplie, ayez pitié de votre serviteur. Par pitié, virez-Saint-Dicat du calendrier. »
Au vingtième couplet, un coup de tonnerre retentit, puis une voix s’élève : « Ce sera fait, mon fils… » Un second coup de tonnerre couvre la fin de la phrase… « à la Saint-Glinglin. »