
Personne n’y croit mais tout le monde en parle, en donne et en reçoit. C’est la tradition, la règle, l’habitude, la recommandation, la politesse, l’initiation, l’exercice… bref, c’est une évidence, un postulat, une convention, un contrat, une nécessité… on les prononce, on les appelle, on les présente, on les fait siens, on les remplit, on les poursuit… ils sont chers, consacrés, sincères, dévoués… pieux ?
Tous mes vœux
par Ysiad
C’est la saison des vœux. Les cartes du Nouvel An se ramassent à la pelle. L’année commence, tournez manège. Une de plus. Saloperie d’année qui va me faire franchir une nouvelle dizaine. Je m’en passerais bien, c’est moi qui vous le dis. Le compteur tourne et ne s’arrête pas, haut les cœurs, tout va bien. Ce n’est rien, comme le chante Julien Clerc, juste le temps qui passe. Réjouissons-nous à travers les boîtes aux lettres… Des jours que je dois souhaiter à mon tour la bonne année à tous ceux qui se sont donné la peine de nous écrire en postant une carte avec la photo de leur progéniture. Comme les gens peuvent être fiers de leurs enfants ! Fascinant, vraiment ! Allons. N’ai-je pas, moi aussi, photographié mes chouchous au sommet d’une montagne pendant les vacances et envoyé dès les premiers jours de janvier leurs petites bouilles fières au cercle des intimes ?
C’était il y a longtemps. Très longtemps. C’est inconcevable, aujourd’hui. Les chouchous ont grandi. Grandi, grandi, grandi. Ça m’énerve, comme dirait Helmut Fritz. Ils sont tellement grands qu’ils ne se prêtent plus au jeu de la pose suffisamment héroïque et glorieuse pour servir de carte de vœux. C’est fini ! Et pourtant. Mon fils est un dieu, certes. Il ressemble à Mick Jagger, tout à fait exact. Il a le torse de Cary Grant, on ne saurait mieux dire, les épaules de Georges Clooney, ça tombe sous le sens, à côté de lui Brad Pitt est un gnome, il est beau mon fiiiiiiils, mais voilà : je n’ai plus le droit de le photographier au sommet de l’Olympe. C’est comme ça. Je dois dégager de sa chambre fissa et le laisser gratter en paix ses rifs d’ACDC à la guitare, sous peine de le voir claquer pour toujours la porte du domicile familial. Je suis sa " P’tite Mé ", juste là pour dégainer cinq euros quand il veut aller boire un pot avec ses potes de Terminale. Quant à ma fille, disons qu’elle pense davantage aux garçons qu’à se faire tirer le portrait, pour que l’orgueil de sa mère monte aux nues à l’instant de glisser la carte dans l’enveloppe. Qu’elle est beeeeeeelle…
Les années passent et ne se ressemblent pas. Aujourd’hui 6 janvier, il ne me reste plus qu’à photographier mon gros matou roux qui se répand sur le radiateur tel un fromage coulant avec la mention :
" Tous mes vœux pour une année reposante "
Au fond, c’est ce que je nous souhaite.
Une année reposante.