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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 09:00

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Pour la première fois au café, je publie un billet à propos d'un livre que je n'ai point encore lu : "A l'ombre des grands bois" d'Annick Demouzon. Le fait qu'il soit sous presse n'y est certes pas étranger mais ne suffit pas à expliquer en quoi il m'apparaît hautement recommandable de s'y intéresser. C'est tout simplement la lecture de la préface d'Abdelkader Djemaï qui m'en a convaincu. Avec l'aimable autorisation de son auteur, la voici :

 

Si la photo est bonne

 par Abdelkader Djemaï

 

On le sait : qu’elle fût artificielle ou naturelle, il n’y a pas de photo sans lumière. Celle qui baigne les textes d’Annick Demouzon est à la fois douce et âpre, toujours pudique et jamais voyeuse. On sait également que lorsque la littérature s’empare du thème de la photographie, on peut flirter avec le mimétisme, le cérébral et tomber – excusez-moi pour cette facilité - dans le cliché. Un piège auquel échappe l’auteur de ce beau recueil, une nouvelliste qui aime la marche à pied, la peinture, les histoires pour enfants, le cinéma et, bien sûr, les livres et les écrivains.

Annick Demouzon, qui exerce dans la vie le métier d’orthophoniste, qualifie le petit appareil numérique, qui l’accompagne dans ses déambulations, de troisième œil. Il lui sert, dit-elle, à voir, à sentir autrement. Comme l’une de ses héroïnes, elle tente d’attraper dans sa « boîte » la beauté du monde pour se l’approprier, la faire sienne. Elle sait aussi que derrière chaque photo, chaque image il y a, nous dit-elle, un mystère qui se glisse entre les interstices du temps, entre l’instant éphémère et le souvenir que l’on voudrait éternel.

Les quatorze nouvelles d’Annick Demouzon mettent en scène des vies, celles de gens qu’elle tente, avec ses mots et ses images, de saisir, de capturer, de fixer sur le papier ordinaire ou glacé, sur la page quadrillée ou blanche. Entourés d’objets, de meubles, de fantômes, de silences, de peupliers ou de saules, ils sont là présents, seuls ou ensemble, souriants, tristes, sereins, désemparés ou un peu renfrognés. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur les liens, solides ou fragiles, qui les unissent, sur le lieu, neutre ou marqué, dans lequel ils sont assis, debout ou couchés ?  Qui a pris la photo et pourquoi a-t-il appuyé, « tiré » à cet instant précis et vertigineux qui lui semblait définitif ? Que veut-il révéler de l’intimité, des habitudes des personnes qui ont consenti à se livrer à lui ? Peut-être l’a-t-il fait à leur insu, à la dérobade, comme un pick pocket qui fait les poches de la réalité et des  âmes? Que cherche t-il à rendre, la laideur ou la beauté, la singularité ou la banalité d’un geste, d’une attitude, d’une existence ? Cherche-t-il aussi à travestir la réalité, comme le font les photos trafiquées, fabriquées de l’Histoire officielle ?

      

Comme on le devine, les questions que se posent ou que suscitent les personnages d’Annick Demouzon, sont celles aussi du lecteur qui « entre », avec bonheur, dans ses histoires, ses récits qui ont pour support, pour cadre la photographie. La photographie à la fois comme mémoire, écriture, mouvement, interrogation, échappée vers l’ailleurs. D’une façon indirecte, par les chemins buissonniers de l’écriture, de l’imagination, il est à son tour témoin de leurs failles, de leurs certitudes, de leurs attentes, de leurs espoirs. Il devient, par la force des choses et des destins, l’un de leurs compagnons dans ce voyage, parfois heurté, qu’est la vie avec ses précipices, ses îlots de tranquillité, ses zones d’ombre.

    

L’une des qualités de ce recueil, c’est la rapidité de l’écriture, le sens du détail et du raccourci, de l’ellipse qui fait succéder, sur un rythme soutenu, des histoires de famille, d’individus, de groupe.

Annick Demouzon, qui sait parler des saisons, des couleurs et des odeurs, nous offre, ici, des visages, des portraits qui ne sont jamais figés, définitifs. Chaque lecteur peut y apporter, en toute liberté, sa touche. C’est un autre des plaisirs procurés par ce recueil.

 

A l'ombre des grands bois d'Annick Demouzon à paraître fin octobre 2011 aux éditions Le Rocher

A noter que ce recueil vient d'obtenir le prestigieux prix Prométhée de la nouvelle.

Parallèllement à cette parution, Annick Demouzon publie un autre recueil : Virages dangereux, aux éditions Le Bas Vénitien.

 

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commentaires

A
<br /> <br /> Merci de vos réactions, merci pour le braco, et le ViVe toi, Anniick. Avec deux i c'est beaucoup plus joli et comme je fais sans cesse ce genre de fautes de fappe, ça me rassure de n'être pas la<br /> seule.<br /> <br /> <br /> J'aime beaucoup cette préface, qui m'a vraiment émue lorsque j'en ai pris connaissance: ce sentiment d'être si bien comprise en tant qu'auteur. Merci Abelkader Djemaï.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Euh.. braVo. Avec un V comme ViVe toi, Anniick!<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Braco Annick.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Juste une petite précision: ce n'est pas un recueil déjà publié par Le Rocher qui a reçu ce Prix (comme pourrait le laisser entendre l'ordre des propositions et puis aussi l'habitude), c'est le<br /> recueil sélectionné sur manuscrit par le jury du Prix qui est ensuite publié par les édtions du Rocher.<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Waow. Quelle préface en effet. Elles devraient toutes être de cette qualité. Je vais le lire, ce recueil élu par Prométhée.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci pour cette mise en bouche, voilà ma curiosité mise en éveil!!! Il est toujours agréable de rêver à nos prochaines lectures.<br /> <br /> <br /> <br />
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