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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 08:00

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Partie de chasse

Nelly Bridenne

 

 

Désiré se préparait pour la battue : affublé de sa tenue kaki-mercenaire, protégé par son gilet jaune fluo et sa casquette orange sanguine, chaussé de ses bottes imperméables et le fusil cassé sur l'épaule, (c'est plus prudent) il partait rejoindre ses collègues chasseurs : Riton, Fifi et les autres.

Les « cochons » n'avaient qu'à bien se tenir ! Ce serait leur fête aujourd'hui !

C'est vrai quoi, disait Riton, ils nous envahissent ! Ils vont être bientôt plus nombreux que nous !

Néanmoins, Riton tenait le même discours à propos des sangliers et des étrangers...

Premier arrêt obligatoire chez Marie-Line (rien à voir avec « Poupoupidou », ah non alors !) pour un p'tit caoua-Armagnac, la gnôle locale, pour réveiller son homme.

La horde de viandards se rendit ensuite en lisière de forêt où Riton les plaça : une partie pour surveiller l'orée du bois sur toute sa longueur, et les autres pour s'enfoncer dans la pinède.

On était fin octobre, l'été gascon était agréable, la brume s'était dissipée (sauf chez certains qui avaient abusé du café arrangé), le soleil était de la partie, la journée s'annonçait jouissive.

Désiré était chasseur occasionnel : pas de chien, (son vieux Voyou était mort) il tirait maxi 10 cartouches par an et visait très mal.

Il préférait de loin se promener dans la garenne, ramasser les cèpes en automne, les pignes parfumées qu'il jetait dans la cheminée et admirer les grues cendrées survolant la lande.

Il avait répondu présent pour ne pas se fâcher avec Riton l'autoritaire.

Bah, il n'était pas obligé de tirer. Il se positionna dans le bois en bout de file, assez loin de son voisin immédiat. Dans le sol sableux, il reconnut l'empreinte des sabots d'un chevreuil, suivit sa piste et l'aperçut, affolé par les aboiements des chiens et les détonations des fusils, détalant au plus vite.

Ses sauts gracieux, sa tête élégante surplombée de bois, sa croupe blanche et sa robe fauve, lui suscita un sourire. Quel animal magnifique ! Quel don de la nature ! Jamais il ne lui ferait de mal...

Soudain, Désiré ressentit une douleur vive à l'épaule gauche qui le paralysa. Il s'affala sans bruit dans la bruyère, sa tête reposant sur un oreiller de tourbe et de mousse.

La mère Nature rendit un hommage à ses sens en adoucissant ses derniers instants : des fougères dentelées protégèrent son visage de la brûlure du soleil ; des aiguilles de pin et un tapis d'humus ouaté embaumèrent délicatement sa couche ; des demoiselles peu farouches lui chatouillèrent le nez ; plus haut, sur un pin perché, un pic vert accentua ses percussions, pendant que son voisin l'écureuil fronçait son museau en rythme ; enfin, en fond sonore, des corbeaux bavassèrent en total désaccord. 

Désiré ferma les yeux pour profiter de ces ultimes présents...

Il ne sut jamais ce qui l'avait terrassé : le plomb d'un chasseur maladroit ou une banale crise cardiaque.

 

                                                                                                         

Brève, octobre 2013

Un chasseur a été tué lors d'une battue, plusieurs chasseurs étaient alignés et venaient de faire feu sur un sanglier. L'animal a été blessé, mais l'un des hommes s'est également écroulé, touché sous un bras.

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commentaires

L
<br /> la chasse, et en plus, l'alcool à forte dose, c'est meutrier, et pas seulement pour le gibiiier...<br />
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D
<br /> Beau plaidoyer contre la chasse et les instincts sanguinaires !<br />
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