Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 janvier 2013 4 17 /01 /janvier /2013 08:00

Big-bang-boum.jpg

 

Big Bang Boum.

Yvonne Oter

 

 

Ils l’avaient prédit, le Big Bang Boum est arrivé. Le monde est fini, terminé, balayé, péri, annihilé : il n’y a plus que le grand rien. Le néant, le vide, la vacuité totale. Et moi au milieu.

Je ne suis pas mort pourtant, mes cors aux pieds me font toujours autant souffrir pour que je puisse en douter. Quand on est mort, on n’a plus mal nulle part, n’est-ce pas ? Moi, j’ai mal. Je me touche, je me tâte, je suis bien là, présent au milieu de rien. J’ai beau regarder autour de moi, je ne vois que l’absence de tout ce que j’ai connu. C’est assez déstabilisant, mais, en y réfléchissant, pas trop angoissant non plus.

Il y avait tellement de choses qui me déplaisaient dans le monde d’avant, qui me faisaient pester et râler au point de passer pour l’emmerdeur du village. En premier lieu, les p’tits cons qui polluaient mon air pur avec leurs saloperies de mobylettes pétaradantes à toute heure du jour et de la nuit. Disparus, les p’tits cons, et leurs foutus engins avec eux. Disparue, la Germaine qui m’en voulait à mort d’avoir refusé de me marier avec elle, et qui m’empoisonnait la vie à coups de cancans et de méchancetés. Disparu, le fermier avec son tracteur bruyant, ses pesticides, ses insecticides, ses engrais chimiques, ses OGM, ses turpitudes. Disparu, le curé qui vitupérait contre ceux qui aiment boire un verre au Café de la Marine, plutôt que d’assister à la messe du dimanche. Disparus, les gamins qui envoyaient leur ballon dans les potagers et s’en allaient le rechercher en piétinant tout sur leur passage. Disparues, les gamines qui couraient se plaindre qu’on leur avait lancé des regards libidineux. Mon œil ! C’était la seule manière de se donner une certaine importance, à ces jeunes éhontées. Disparus, les gens, les choses, les bruits, les couleurs. Enfin un peu de paix ! Et je vais pouvoir en profiter tout à mon aise.

Pourquoi moi ?

Pourquoi pas moi, après tout ? S’il n’en reste qu’un, pourquoi ne serais-je pas celui-là ? J’en vaux bien d’autres, après tout. Comme disait l’effrontée dans la publicité, « Parce que je le vaux bien ». Je ne me fais pas trop d’illusions, je ne suis pas parfait, loin de là. Mais pas plus mauvais que d’autres non plus. Je crois que je suis resté parce que j’ai en moi la capacité à jouir du néant qui m’entoure. Je me sens bien, en repos, à l’aise, pour la première fois de ma vie.

Soudain, une voix tonitrue dans le vide. « Nous sommes lundi, il est sept heures, il faut s’y mettre ».

Un panneau lumineux se déplie en m’éblouissant.

 

LUNDI : créer les cieux et la terre, les ténèbres et la lumière ;

MARDI : séparer les eaux d’en-bas des eaux d’en-haut ;

MERCREDI : faire émerger la terre des eaux et la couvrir de végétaux ;

JEUDI : créer le soleil, la lune et les étoiles dans le ciel ;

VENDREDI : faire apparaître les oiseaux dans l’air et les poissons dans la mer ;

SAMEDI : imaginer les autres animaux, dont les hommes ;

DIMANCHE : repos. 

 

Ah non ! Pas ça ! Pas les hommes ! Je ne veux pas ! Je n’en veux plus ! Tout, je veux bien créer tout le reste, mais par pitié, pas les hommes !

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
<br /> C'est pas possible, ça. On peut jamais être peinard.<br />
Répondre
L
<br /> Comme quoi, les cors aux pieds, tout le monde en a !!!<br />
Répondre
M
<br /> Bel oiseau de Vénus.<br />
Répondre
L
<br /> Ah non! Et surtout pas à son image! vous vous rendez compte? que des vieux grincheux!<br />
Répondre