Dans la jungle
Claude Romashov
Le temps a changé et vire à l’orage. Déjà les nuages s’amoncellent et de larges gouttes s’écrasent sur les feuilles vernissées. Je n’aime pas le vent qui décoiffe et transporte les relents nauséeux de la ville. Les copains se fichent de moi, me traitent de fillette, de poule mouillée. J’en rigole dans un premier temps, mais bon, il ne faut pas trop me chercher ! Ils le savent. Nous sommes bien équipés avec nos machettes dans leurs fourreaux de cuir, nos couteaux finement aiguisés sans oublier les cannettes de bière pour étancher notre soif de fauves en maraude.
La rue est agitée de soubresauts furieux. Les volets claquent et les vieux gémissent derrière leurs rideaux de dentelle. L’anaconda de bitume avale sa proie de poussière et de papiers sales. Les singes hurleurs se réfugient au sommet des arbres. Nous marchons d’un pas élastique, heureux de sentir se contracter nos muscles. Nous sommes invincibles, nous faisons la loi.
Nous avons pisté leurs traces. Ceux-là nous ne les aimons pas. Ils sont adulés pour leur force, leur tactique de jeu et de plus ils sont riches sans la moindre parcelle de gras qui dépasse. Frimeurs, grandes gueules. Des brutes sans cervelle qui tombent toutes les filles, y compris nos cousines et nos sœurs…
Nous arrivons dans le carré réservé de la jungle. La lumière tournoie et les cris jaillissent des poitrines. Nous sortons les machettes et tailladons les jarrets de ces abrutis qui ont osé envahir notre territoire. J’en attrape un. Il se protège la tête de ses bras. Hum, j’aimerais bien me découper une crinière. Un super trophée de chasse ! Ça ferait joli, encadré de mes sabres japonais sur le mur du salon de ma mère.
Et les deux autres, poursuivis par les copains braillant d’une joie sauvage, ils s’enfuient en pleurnichant. Mes amis, quelle belle tranche de rigolade !
Brève, 20 juillet 2014
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