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23 juin 2007 6 23 /06 /juin /2007 16:30

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C’est à Jean-Claude Touray que revient l’honneur de célébrer le début de l’été et par la même occasion le numéro 200 du café littéraire, philosophique et sociologique. Merci de penser à lui envoyer quelques cartes postales durant la période estivale.

 

Banal après-midi d’été

Douze heures. C’est un midi d’août doux et pluvieux comme la Zambretagne en a le secret. La Zambretagne qui est dans le Pachyland, ce pays fabuleux situé au Sud de l’Afrique et dont les citoyens sont des éléphants. Le soleil joue à saute-mouton avec les nuages qui laissent échapper, en toute incontinence et de temps à autre, un petit arrosage pipi. Les toits et les routes s’en foutent mais les potagers les prairies et les champs de maïs en sont tout réjouis. Le fond de l’air a par bouffées des senteurs qui fleurent bon la ruralité profonde. Avec en supplément les odeurs de marée, l’air du bord de mer est franchement plus vivifiant que l’atmosphère citadine de Zambézeville, la capitale enfumée.

Zoom puis gros plan sur une tablée de trois éléphants (un vieux couple et un éléphançon) à l’heure du déjeuner. La scène se passe dans une maison de vacances peu éloignée de la côte zambretonne.

Treize heures. " Borée mon petit tu as très bien mangé ton salmigondis de feuilles de bananier sans rien laisser dans l’assiette " dit la grand-mère. " Si tu continues comme ça tous les jours tu vas devenir plus grand que ton Papy. En attendant va te chercher un yaourt ".

Mais Borée, éléphanteau de six ans et demi passés, n’entend rien : il a sauté de sa chaise et batifole déjà sur la pelouse mouillée en poussant le cri de Tarzan. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire il a fait l’ascension du baobab décoratif qui est l’orgueil de ses grands-parents. Il casse maintenant quelques branches pour construire sa nouvelle cabane.

" Borée descend tout de suite, tu vas tomber et te faire très mal. Rentre à la maison, il pleut de plus en plus fort tu vas te faire tremper ".

Quinze heures. Borée est maintenant couché depuis un moment sur le tapis du séjour au milieu de ses crayons feutres. Il dessine un requin à l’air coquin dont il a trouvé le modèle dans " Les dents de l’amour ", le best-seller sur les sélaciens sado-masos que Mamy vient d’acheter.

" Tu me donnes le beau dessin que tu as fait ? " demande Papy.

" Pas question, c’est mon dessin je l’ai fait avec mes crayons feutres sur ma feuille de papier, il est à moi !".

Et Borée s’enfuit avec son œuvre en haut du baobab décoratif raconter ses déboires à Djène la femelle de Tarzan.

" Descend immédiatement tu vas te rompre le cou " ordonne Papy. " D’ailleurs tu as ta page de cahier de vacances à terminer. Souviens-toi qu’il te reste à copier dix fois la phrase : Un éléphant ça trompe énormément". Et aussi du calcul…

Borée est toujours perché dans l’arbre où il étrangle un puissant léopard venu le narguer. " On va faire un marché " dit Borée. " Si tu m’aides à construire ma cabane je finirai mes devoirs ". Papy est d’accord si on commence par les devoirs.

" Ecris comme il faut en t’appliquant ".

" Je fais du mieux que je peux ".

" Et pense aux additions à faire après la page d’écriture ".

" Alors non, puisque c’est comme ça j’arrête et je ferai ma cabane tout seul ".

Une heure plus tard Papy, qui a diplomatiquement renoncé aux additions, est installé dans la nouvelle cabane qui vient finalement d’être construite au fond du jardin. Il joue les deux rôles de Djène et de son père dans une aventure de Tarzan où Borée tient la vedette. Il pleuviotte mais en Zambretagne, ça ne compte pas pour de la pluie… 

" Alors tu me lancerais une liane mais je ne pourrais pas m’en servir. Je serais blessé parce que j’aurais été attaqué par un léopard en allant prendre une douche à la cascade, aïe ma tête… "

" Tu as mal à la tête mon petit Borée ? ".

" Mais non c’est pour de faux. Que fais tu Djène ? Ne va surtout pas ramasser des fruits près de la rivière à cause du léopard. Il est trop cruel ".

Dix-sept heures trente. Les nuages dégagent pour de bon et le ciel joue à un deux trois soleil ! " C’est un peu tard mais on y va " s’écrie Mamy. Inutile de préciser que c’est à la plage que l’on va. Plage qui, à cette heure de marée basse, étend son manteau de sable humide loin vers l’horizon. La mer est partie mais n’ayons crainte elle a l’habitude de revenir. Livrée depuis quelques heures aux pelles et aux seaux des éléphenfants la plage est devenue le pays des châteaux et des trous d’eau. Borée en explore toutes les flaques.

" Attention Djène il peut y avoir des alligators et ça mord. Mais je les tuerai tous avec ma lance après leur avoir balancé un bon coup de pied dans les boules "

Changement d’occupation. Borée pousse le cri victorieux de Tarzan et s’élance vers les reliefs qui bordent la plage. Il escalade la face Nord d’un gros rocher en quinze secondes et se dresse au sommet en alpiniste conquérant.

" Descend immédiatement tu vas faire une chute et te briser les os " s’écrie Mamy.

" Lâche lui les tongs et laisse le grimper. On ne peut pas le tenir en laisse, il a passé l’âge de jouer au chien ".

Dix-neuf heures. Un troupeau de nuages noirs arrive en galopant. " Nous allons nous faire tremper rentrons vite " disent les grands-parents. Un peu plus tard à la maison pendant que Mamy prépare une soupe de bambou et un gratin de feuillage, Papy termine ses mots fléchés avec son dictionnaire. Borée n’a pas repris ses coloriages mais débute en solitaire une partie de beach volley.

" Sois sage " dit Mamy en capturant le ballon de plage " va plutôt jouer avec ton Papy à Blanche-Neige et les sept nains. Il fera la méchante reine le prince charmant et Simplet avec des voix différentes.

" Non je veux qu’il me lise la vraie histoire du livre comme hier "

Et la lecture commence après une bonne crise de ronchonnements du grand-père.

" Blanche-Neige est une exquise petite princesse mais elle a été punie par la reine sa marâtre pour chapardages répétés … "

" C’est quoi chapardages ? "

" Un terme familier pour désigner un petit vol, un larcin. Chaparder c’est chiper ou marauder ou encore, dans un registre populaire, faucher ou piquer. Je continue la lecture ? "

" C’te question ! "

" Et Blanche-Neige a été condamnée à laver à grande eau les escaliers du palais. Elle en profite pour se laisser draguer par un dragon charmant qui lui murmure à l’oreille : t’as de beaux yeux tu sais et si tu me fais voir ton petit perlimpinpin je te montrerai ma grande ciboulette… "

" C’est quoi la ciboulette ? "

" Une plante condimentaire vivace dont les feuilles en tubes effilés sont utilisées pour différents assaisonnements. Je continue la lecture : Les adorables colombes qui volètent autour de Blanche-Neige roucoulent de plaisir en rougissant de bonheur tandis que les sept nains de jardin clignent de l’œil d’un air entendu…. "

" C’est pas du tout comme ça la vraie histoire. La méchante reine veut faire tuer Blanche-Neige parce que c’est elle la plus belle. Et en plus il n’y a pas de dragon et pas de ciboulette. Aujourd’hui tu ne lis même pas, tu inventes ".

" Tu ne comprends pas que j’en ai marre de cette histoire toujours la même que je te lis chaque soir. Aujourd’hui j’ai décidé que Blanche-Neige était kleptomane et qu’elle fauchait dans les magasins en compagnie du dragon charmant ; mais tu ne m’as pas laissé le raconter ".

" Alerte rouge, tu me considères comme un débile mental. Ce n’est pas parce que je lis encore avec difficultés qu’il faut me raconter n’importe quoi. Je veux les vrais contes. Je refuse d’écouter tes histoires inventées de toutes pièces. Je préfère encore aller faire les additions sur mon cahier de vacances ".

" Tiens v’là aut’chose, j’ai peut-être trouvé une façon de raconter les histoires qui rend les éléphenfants studieux ".Et Papy reprend sa lecture du Petit Larousse.

Jean-Claude Touray

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commentaires

R
Une histoire bien rafraîchissante en ce début d'été ! ça m'a ramené quelques années en arrière lorsque je lisais Babar.
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