Ce texte de Françoise Guérin figure dans les commentaires de l’article Décentralisation paru récemment. Aujourd’hui particulièrement, il a toute sa place en pleine page parce que parfois tout commence avec un petit rien, un seul petit mot perdu dans les nuages…
Au début, je caressais l’espoir, d’une main rêveuse, en attendant qu’il me fasse vivre. C’était un espoir tout maigre, je l’avais adopté après que quelqu’un l’ait perdu. Vous n’imaginez pas le nombre d’espoirs qu’on a vu naître et qui ont été nourris pendant des années, avant d’être retrouvés, abandonnés, au coin d’une vie. Pathétique.
Enfin, je caressais l’espoir et… Je ne sais pas si vous avez déjà caressé un espoir mais c’est troublant. Je ne vous parle pas de ces faux espoirs qui luisent en tête de gondole. Dans la logique libérale, tous les espoirs sont permis mais méfiez-vous : on s’accroche à une trompeuse lueur d’espoir et un jour, on se retrouve à en nourrir de faux, livrés clé en main par un paranoïaque égotique (pléonasme) qui place ses espoirs comme d’autres jouent en bourse : plus son espoir est grand, plus le nôtre est écrasé, au bord du dépôt de bilan.
Bref ! Moi, j’avais conservé un petit espoir. Oh, il n’était pas bien épais. Pour vous donner une idée, il n’y tenait que quelques mots, de ceux qu’on lit au fronton des mairies, de ceux qui ont fondé l’histoire de ce pays et font rêver les rescapés des dictatures. Pas gros, quoi. Mais vous savez ce que c’est, on s’attache, c’est idiot ! Je le gardais bien au chaud. Parfois, je le sentais s’éteindre alors, doucement, je le ranimais. J’avais beau entendre, autour de moi, que tout cela était dépassé, je ne pouvais pas m’empêcher ! Je l’entretenais en secret. J’en remplissais ma vie. Je me disais : tant qu’il en reste un peu !
Et puis ce matin, je le caressais, comme ça, sans y penser vraiment et j’ai vu qu’il tremblait. Il était mal en point et ça m’a fait tout drôle…
Françoise Guérin